Comprendre les objectifs de la loi Baptiste

Comprendre les objectifs de la loi Baptiste (Suite de la réflexion « Debout pour les libertés académiques, et maintenant ? »)

Construite pour compléter le paysage des Contrats d’Objectifs, de Moyens et de Performance (COMP) des établissements[1], la loi Baptiste[2] proposée par le Ministre permet le rapprochement des établissements publics avec les établissements privés au sein de mêmes grands ensembles, alors même qu’elle prétend combattre les établissements privés prédateurs. Tous seraient ainsi soumis aux mêmes modalités d’évaluation.

Il s’agit pour cette proposition de loi en réalité de soutenir la dérégulation totale des établissements : sous couvert de régulation des établissements (essentiellement ceux, publics, qui seraient gouvernés dorénavant par le rectorat) et d’un peu de sémantique pour le privé (agrément pour le privé lucratif, partenariat pour le non lucratif), toutes les composantes seraient qualifiées par la même institution (HCERES s’il survit, ou bien superstructure à inventer absorbant toutes les structures actuelles accréditant IUT, écoles d’ingénieur ou de gestion, ou formations privées). La loi proposée soumet tous les établissements aux mêmes règles, non démocratiques avec une concentration des pouvoirs abusive, hors des établissements, à l’inverse de ce qui serait attendu, notamment un contrôle des aides publiques fournies et des diplômes des établissements privés (Bachelors, Mastères souvent non reconnus en lieu et place des diplômes de Licence et Master).

La délégation des décisions d’ouverture ou fermeture de formations par de simples arrêtés, sans avis du CNESER (l’autonomie des universités devenant celle des recteurs) permet aussi de dissimuler des renoncements nationaux derrière des logiques locales d’établissement : augmentation des frais d’inscription, disparition de formations qui seront saisies par un secteur privé lucratif, modifications des statuts des personnels, etc. Tous ces éléments seraient détricotés localement… sauf peut-être dans les établissements laissés sans moyens, à la charge de l’État, devant respecter des COMP aux indicateurs irrespectueux de service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) : nombre indécent demandé de publications ou de réussites à des appels à projets, taux d’obtention de diplômes négligeant le droit à la réorientation, quotas d’admissions intenables, taux d’insertion professionnelle méprisant la nature des formations, par exemple. Sans des statuts et fonctionnements identiques, les intérêts des établissements divergent, la communauté académique sera fragmentée, impliquant des comportements prédateurs des uns sur les autres et une compétition exacerbée au sein des établissements et entre eux : le traité de Lisbonne consacrant la mise en compétition des régions sera bien à l’œuvre ici !

En gommant ainsi les différences entre secteur public et privé partenaire via cette gouvernance identique, à terme, la possibilité d’une transition d’un type d’établissement (ou d’une composante au sein d’un établissement) vers un autre serait ouverte… et intéressante : des établissements publics soumis à leur « COMP100 % » pourraient être tentés de s’en libérer pour survivre en devenant acteurs privés, en capacité d’augmenter autant que besoin les frais d’inscription tout en bénéficiant d’une délégation de service public, affaiblissant ainsi la cohérence nationale des statuts. Au sein d’un même grand établissement, on pourrait avoir des composantes, privées ou non, qui auraient des fonctions différentes. L’expérimentation existe déjà dans l’Université Paris-Saclay : des écoles captent des ressources tandis que la composante universitaire historique est abîmée par sa paupérisation et bureaucratisation : les uns valident les indicateurs d’excellence du COMP, les autres valident ses indicateurs sociaux… et la ségrégation sociale ! Tous les montages sont imaginables. Le loup est dans la bergerie.

Le PCF de l’Université Paris-Saclay appelle les personnels et étudiants à se mobiliser pour soutenir un modèle d’ESR public garant des libertés académiques de ses personnels et donnant toutes leurs chances d’émancipation et de réussite à ses étudiantes et étudiants.

[1]Sujet d’une publication précédente : https://pcf-universite-paris-saclay.fr/ecrits-de-la-section/ – pour rappel les COMP conditionnent les budgets des établissements à des indicateurs quantitatifs et si 100 % des budgets dont masse salariale y sont soumis, le pire est à craindre pour la qualité de l’enseignement, de la recherche, les libertés académiques et les statuts des personnels.

[2]https://academia.hypotheses.org/files/2025/07/PJLoiBaptiste.pdf

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